Guitaristes: le son de Joe Satriani (m.a.j. Février 2012)

Après Robert Smith et Jeff Beck, je me suis dit qu’il était temps de faire figurer un virtuose de la guitare rock comme seules les années 80 ont pu en produire, j’ai nommé Joe Satriani. Si vous ne connaissez pas Joe Satriani et que vous jouez de la guitare électrique, vous avez sans soute été enlevé par des extra-terrestres dans les années 70 pour n’être revenu sur terre que la semaine dernière (procurez-vous une copie de « Surfing with the Alien » pour commencer).

Nous allons aborder dans ce billet le matériel et le son « solo » de Joe Satriani et tenter de le recréer en utilisant des pédales tout à fait communes, recréation que je démontre dans une vidéo (voir plus bas). Bien que pour ses albums studio, surtout depuis les années 90, Satch emploie beaucoup d’effets différents pour créer des textures sonores très riches, il a une approche un peu plus simple en live et 90% du temps, il utilise la même recette pour obtenir son son. Le reste, bien sûr, est dans les doigts du maître, et ça ne se trouve pas dans les magasins.

Photo par CodePoet prise en concert à Atlanta en 2008
Guitares

Bien que pour « Surfing with the Alien », son deuxième album sorti en 1987, Satriani ait utilisé une Kramer Pacer, il est vite devenu à la fin des années 80 un des principaux « endorseurs » d’Ibanez. C’est toujours le cas aujourd’hui et la série JS de guitares du constructeur japonais n’a cessé de croître. Le modèle le plus courant et le plus utilisé par Satriani est la JS1000, disponible dans une version plus abordable nommée JS100. On trouve également dans cette série, entre autres, la toute récente JS2400 avec 24 cases ou la JS1600 sans vibrato.

Pour revenir à la classique JS1000, elle dispose d’un manche vissé, de deux double-bobinages custom Di Marzio et d’un vibrato du type floyd rose à blocage. En soit, cette guitare est représentative des innovations technologiques des années 80, à l’orée desquelles Eddie Van Halen avait pris une guitare de type Stratocaster pour lui adjoindre un micro double bobinage et un floyd rose : une espèce de croisement entre Fender et Gibson, vague sur laquelle Ibanez a su surfer.

Les micros de la JS1000 ont été faits pour Satriani par Di Marzio et le micro grave a un son assez particulier, il sonne presque comme un micro grave de Stratocaster. Sur ce modèle, les double-bobinages peuvent être splittés pour sonner plus comme des simples, système des plus versatiles. Enfin, le vibrato permet tous les abus et on peut dire que Satriani est un abuseur de premier ordre, passé maître dans l’art d’obtenir les effets les plus délirants, le tout en restant accordé.

Amplis et effets

Dans les années 80, il était courant pour des guitaristes à tendance rock plutôt métallique d’utiliser des amplis Marshall « à donf », parfois boostés par une pédale d’overdrive. Satriani, au contraire, obtenait souvent son son en utilisant des pédales de disto avec un ampli en son clair, système qu’il a utilisé tout au long de sa carrière. La pédale de distorsion BOSS DS-1, d’un orange tout seventies, fût une part extrêmement importante de son dispositif des années 80 jusqu’à la sortie de son propre modèle de pédale de distorsion l’année dernière, la Satchurator, conçue en collaboration avec VOX. Au sujet de l’utilisation de pédales de distorsion, je suis allé voir Satriani au Rex en 2006, lors de la tournée « Super Colossal » et je l’ai distinctement vu passer d’un son clair à son son solo si reconnaissable en appuyant sur une petite pédale orange située devant lui ; pas de doute possible il s’agissait d’une DS-1. Cela m’a d’autant surpris que Peavey venait de sortir une série d’amplis conçus en collaboration avec Satriani (la série JSX) et que ceux-ci sont bien capables de produire de la distorsion. J’en ai conclu assez finement qu’ils devaient être utilisés en son clair lors de la tournée, la distorsion provenant de la DS-1.

Il s’agit d’une pédale ne faisant pas l’unanimité, certains la trouvent « synthétique », « trop aigue », etc. Je pense qu’elle ne sonnera pas forcément bien avec n’importe quelle guitare ou n’importe quel ampli, elle peut même sonner très mal (perso, je n’en suis pas fan avec des simples bobinages mais avec des doubles c’est une autre histoire). Aussi, ce n’est pas une pédale capable de produire 50 sons différents mais plutôt un seul donc si vous ne l’aimez pas, il n’y a pas grand chose que vous puissiez faire. Cela dit, beaucoup de pros en tirent des sons incroyables et elle est au catalogue BOSS depuis plus de trente ans ! Cette controverse au sujet de la qualité sonore de la DS-1 explique pourquoi il s’agit d’une des pédales les plus modifiées du marché. Les suspects habituels comme Analogman, Robert Keeley ou Monte Allum proposent des modifications pour DS-1 et chacune sonne différemment (je possède une Keeley et une Analogman et elles sont assez différentes mais ce sera pour un autre billet). Plus récemment, il semblerait que Satriani soit passé d’une version non modifiée à une version Keeley (comme son copain Steve Vai) mais je trouve peu de preuves à ce sujet.

Mise à jour Février 2012: j’ai trouvé récemment cette interview du maître sur le site musicplayers.com (en anglais). Elle donne un éclairage sur la DS-1 utilisée par Satch: “J’utiliserais une Boss DS-1 vintage, légèrement modifiée. Je ne peux pas vous dire quelle est la modification, c’est un secret!”. Donc sa Boss DS-1 était légèrement modifiée, mais comment exactement, le mystère reste entier.

BOSS DS-1
La DS-1 de BOSS, aimez la ou quittez la

Au sujet du son de Satriani, je m’amuse toujours à lire dans les forums qu’il ferait mieux d’utiliser une Les Paul de 1659 avec un Bassman datant de l’antiquité romaine au lieu d’une Ibanez et de pédales BOSS. J’ai vu plus d’un grand guitariste sur scène et le son de Satriani est l’un des plus gros qu’il m’ait été donné d’entendre et il est de surcroit parfaitement adapté à son style.

Il y a deux autres effets qui font partie intégrante du son de base de satriani: le delay et la wah wah. Dans les années 90, il a même utilisé jusqu’à trois delays en série ! Bien que la plupart de ses effets aient toujours été des pédales posées devant lui, il utilisait à cette époque deux delays chandler en rack en sus de sa vieille pédale BOSS DM-2 ou DD-2 (voir ce schéma sur guitargeek). Si vous avez plusieurs delays (ou un logiciel d’enregistrement), vous pouvez essayer de brancher trois delays en série, le premier avec un réglage court, le second avec un réglage moyen et le troisième avec un réglage long. Effet garanti, ça sonne un peu comme un grosse réverb mais sans utiliser une réverb.

Dans les années 2000, Satch est revenu de ce système et avait souvent juste une pédale BOSS DM-2, voici des photos des pédales utilisées pour le Experience Hendrix Tour 2010. Mais depuis l’année dernière, Satriani dispose de son propre modèle de delay conçu avec VOX (encore eux) : la Time Machine. En ce qui concerne les wah wah, le maître a utilisé divers modèles comme une vieille VOX ou le modèle 535Q de Jim Dunlop avant de se participer à la conception d’une pédale avec Moulinex.. heu non, VOX bien sûr! Il s’agit de la Big Bad Wah. Ce n’est pas une coincidence si les trois premières pédales issues de la collaboration du guitariste avec VOX sont une wah wah, une distorsion et un delay. En effet, ces trois effets sont les fondamentaux du son de Satriani. Une quatrième pédale a été annoncée au Musikmesse, il s’agit d’une overdrive nommée Ice 9.

Au sujet des amplis, comme je l’ai écrit plus haut, il les utilise plutôt en son clair, ses pédales produisant la distorsion nécessaire. Dans les années 90, il utilisait sur scène une tête Marshall Anniversary puis il est passé aux Peavey JSX. Il semblerait qu’il ait décidé d’utiliser Marshall à nouveau après sa courte collaboration avec Peavey.

Pour résumer, une wah wah, une bonne disto, un delay branché dans un bon ampli en son clair et vous devriez pouvoir recréer le son solo de Joe Satriani. Je ne dis pas que vous pourrez recréer tous les sons qu’il utilise mais probablement 90% d’entre eux, et en particulier pour jouer des classiques comme « Surfing with the Alien », « Satch Boogie » ou Ice 9.

Pour les 10% restant, ses morceaux font appel à un effet particulier sans lequel il sera difficile de reproduire le son comme la Digitech Whammy utilisée sur « cool #9 », la POG d’Electro Harmonix entendue dans « Super Colossal » ou encore l’Ultimate Octave de Fulltone utilisée sur plusieurs titres. Notez également l’utilisation, en particulier sur les son clairs, d’effets de modulation tels que le chorus BOSS CH-1, le flanger BOSS BF-2 ou la recréation d’Univibe Fulltone Deja Vibe. Ces modèles ne figurent pas toujours sur son « pedalboard » car les pédales vont et viennent au gré des tournées et des albums.

Recréons le son solo de Joe Satriani

Pour cet effort, j’ai utilisé une pédale Wah Wah RMC-1, une BOSS DS-1 non modifiée et un bon vieux delay BOSS DD-3, le tout branché dans mon Fender Silverface Champ réglé plutôt clair. Je n’ai pas de guitare de type Ibanez (j’accepte les JS1000 en donation) donc j’ai utilisé ma Gibson SG Reissue 61 car il faut des double-bobinages pour recréer ce genre de son. Et voilà le résultat :

Dommage que ne possède pas de guitare avec un floyd rose, je n’aurais pas du vendre ma guitare de shredder. S’il y a une chose que j’ai découverte cependant, c’est que Satriani a une technique extrêmement propre que mon style blueso-approximatif m’empêche de reproduire. Une des caractéristiques du style de Satriani sont ses descentes ou montées en legato tout en hammer et pull off et je suis plutôt habitué à jouer chaque note au médiator, le rendu est complètement différent. Enfin, je me serai bien amusé à ressortir ma DS-1 du placard.

Les réglages étaient les suivant :

  • BOSS DS-1: DIST presque à fond mais pas tout à fait, LEVEL à 12 o’clock et TONE assez bas à 8/9 o’clock
  • BOSS DD-3: LEVEL à 10 heures, FEEDBACK à midi, TIME à 2 heures et MODE à 800ms.
  • Sur l’ampli : Volume à 3, BASS à 10 and TREBLE à 2.5 (le champ est assez brillant comme beaucoup d’amplis Fender)

L’ampli était repris par un Shure SM-57 et j’ai ajouté un peu de réverb et de compression dans Cubase 5.

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14 réflexions sur « Guitaristes: le son de Joe Satriani (m.a.j. Février 2012) »

  1. salut, et pour l’album flying in a blue dream ,c’est le meme matos? car on dirait que le son est plus saturé.

  2. Salut, une rapide recherche confirme que le son de base sur Flying in a Blue Dream est une Ibanez JS1000, une BOSS DS-1 et, contre toute attente, un ampli à transistors Roland JC-120. Ce sont des amplis très « clean » donc toute la disto provient de la BOSS DS-1. Il faut aussi garder à l’esprit que des effets de studio sont ajoutés lors du mixage et je ne serais pas surpris d’apprendre que le son de guitare sur cet album est plutôt compressé.

  3. Salut, juste pour dire un grand bravo pour cet article particulièrement intéressant ! Bonne continuation .

  4. la classe,je prefere le son clair!!!!!sinon j’ai bien aimer les petites notes a la Van Halen,et le tapping aux mediator,je pense jamais a le faire et c’est pourtant simple!!!!vitesse extra aussi!!!

  5. Salut !

    Excellent l’article, c’est ce type d’info qu’on recherche tous ! Seul bémol, c’est que l’information n’est pas complète. En effet, tu dis que tu as rajouté de la reverb et de la compression pour avoir le son, c’est donc que la DS1 et le delay ne suffisent pas. Quels reglages pour la reverb, la comp ?

    Merci !

  6. Merci !

    La compression, c’est pour Youtube car autrement Youtube applique sa propre compression pour « niveler le volume » et c’est pas joli joli. J’utilise le plugin PSP Vintage Warmer et j’utilise la plupart du temps le preset « Mastering Aid » dont je change un peu le drive pour l’adapter au niveau de ce que j’ai enregistré. Cette compression est légère et n’apporte pas de sustain particulier au son que j’enregistre dans mes démos, il s’agit vraiment d’une question de volume uniquement. C’est le même type de traitement qui est appliqué sur un album avant pressage.

    La réverb est le plugin Reverence de Cubase 5 avec le preset « LA Studio » réglé à 70/80% sur la piste. il s’agit d’une Reverb room très légère qui simule une pièce de studio. Je l’applique car je je pense que quand tu écoutes un album ou tu vas voir un groupe dans une grande salle, tu auras de la réverb d’ambiance, tu n’entendras jamais le son « sec ». C’est valable pour Satriani comme pour d’autres.

    Donc la réverb est utilisée pour faire sonner l’enregistrement le plus proche prossible du son « live » tel que je l’entend dans la pièce, pas vraiment pour agir sur le son de guitare lui-même et la compression, c’est pour le volume.

  7. Sincerement je vois aucun lien entre le son de ta video et celui de satriani!T’es 10fois trop chargé en gain, en basse

  8. Je doute avoir plus de gain vu que j’ai juste utilisé une DS-1 (à moins que ma Gibson envoie plus). Et pour le trop de basse, j’ai juste une gamelle de 8 donc si c’est le cas, c’est du au placement du micro… L’idée était de montrer un son similaire avec du matos pas trop cher…

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